Les relations entre Français et habitants
des treize colonies d'Amérique entre 1748 et 1763

Si la France est sur le papier officiellement en paix avec l'Angleterre de 1748 à 1756, en Amérique, le traité d'Aix-la-Chapelle n'a rien résolu. Les incidents de frontière sur terre, et les actes de piraterie sur mer vont se multiplier dès 1749, et, à partir de 1754, il s'agira d'une véritable guerre anglo-américaine contre notre empire d'Amérique. Les Canadiens d'ailleurs datent ce qu'ils appellent "la Guerre de la Conquête" de 1754 à 1760.

Les habitants des treize colonies d'Amérique, qui se sentent encore très Anglais, portent une large responsabilité dans la perte de notre Empire d'Amérique. Déjà, pendant la guerre de Succession d'Autriche, ce sont les marchands de Boston qui sont à l'origine de la perte de l'Ile Royale et de la forteresse de Louisbourg. Cette victoire leur assurerait le monopole de l'exploitation poissonnière dans cette région et la maîtrise de l'entrée du Golfe du Saint-Laurent, seule porte de la Nouvelle France sur la façade atlantique.

En mars 1745, 4 300 recrues du Massachusetts, du Connecticut, du New-flampshire et du Rhode-Island s'assemblent à Boston. Une flotte de 90 transports escortés de treize bâtiments armés en course porte cette flotte à Canseau.

Là, elle se grossit de quatre navires de guerre britanniques montés par 4 000 marins. Canseau tomba aux mains des Anglais qui débarquèrent près de Louisbourg début mai et commencèrent le siège de la forteresse. La garnison, qui ne comptait que 455 soldats et 800 miliciens, fut obligée de capituler le 27 Juin 1745. Dès lors, la France ne songera qu'à reprendre la forteresse qui ne lui sera rendue qu'au Traité d'Aix-la-Chapelle (1748).

Par ailleurs, il est infiniment probable que les colonies que l'Angleterre possédait en Amérique au XVIII siècle n'auraient acquis leur indépendance ni au moment où elles se la sont assurée, ni de la manière que l'on sait, si le Canada n'avait pas été défait en 1760 et incorporé à l'empire britannique trois ans plus tard.

Situation comparée des colonies anglaises et des colonies françaises d'Amérique en 1748.

    a) Les colonies anglaises

Nous ne traiterons ici que les treize colonies. Nous aurons l'occasion par ailleurs de parler du problème de l'Acadie.

Si l'on va du Nord au Sud, ces treize colonies se nomment : la New-Hampshire, le Massachusetts, le Rhode-Island, le Connecticut, le New-York, le New-Jersey, la Pennsylvanie, le Delaware, le Maryland, la Virginie, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud et la Georgie.

Comment en est constitué le peuplement qui, en gros, est formé d'immigrants arrivés au début du XVII' siècle (pour mémoire, les pèlerins du "May Flower" en 1620, au Massachusetts, "I'Arabella" en 1630) ?


Le May Flower

  • Du Nord au Sud, du New-Hampshire au Connecticut (Long Island inclus), ce sont des Anglais.

  • A New-York et dans toute la vallée de l'Hudson : des Hollandais (chassés en partie à New-York même par les Anglais : Nouvelle Amsterdam devenue New-York).

  • En New-Jersey, artie Est de la Pennsylvanie, Delaware, Maryland, les trois quart s Est de la Virginie, des deux Carolines et de la Géorgie : des Anglais.

  • Dans la partie Ouest de l'Etat de New-York, au Sud de la Pennsylvanie et au Nord du Maryland : des Irlandais, ainsi que dans les trois quarts Centre et Ouest de la Pennsylvanie, au Nord-Ouest et au Sud-Ouest de la Virginie, dans l'Ouest des deux Carolines et au Nord-Ouest de la Géorgie.

  • Dans le centre de la Caroline du Nord des Ecossais.

  • Enfin des Allemands, centrés en trois points principaux au centre du New-York, dans une large bande orientée Nord Est - Sud Ouest de la Pennsylvanie et de la Virginie, et au centre de la Caroline du Sud.

Ce peuple essentiellement britannique et un peu allemand et hollandais peut se diviser en trois groupes

  • Au Nord, la Nouvelle-Angleterre, comprenant les colonies allant du New-Hampshire au New-York, avec comme population dominante les Puritains du Massachusetts. Malgré la clarté et le dogmatisme de leur religion, ils ne s'estimaient pas libres de bâtir leurs institutions politiques. Cette colonie, le Massachusetts, fondée sur la Bible, était hantée par le spectre des institutions anglaises. Les puritains de cette colonie se plaisaient à dire qu'ils s'appuyaient sur les lois de Dieu, plutôt que sur celles des Anglais. Par bonheur, à leurs yeux, elles semblaient coincider.

Les législateurs de cette colonie mirent en parallèle la Magna Charta de 1215 et les "Principes fondamentaux du Massachusetts". Il en résulta la Charte des Libertés de 1641, qui était toujours en vigueur un siècle plus tard.

Entre la Nouvelle-Angleterre et les colonies des planteurs du Sud, se situent ce qu'on peut appeler les colonies du 40' parallèle (Pennsylvanie, Delaware, New-Jersey), avec comme population dominante les Quakers de Pennsylvanie. Cette colonie fut fondée au XVII siècle par William PENN, qui reçut en 1681 du Roi Charles Il la Charte de Pennsylvanie.


William PENN

Les Quakers, peu nombreux en Angleterre, vont trouver en Amérique une terre de prédilection. En effet, leur religion était basée sur trois vertus principales : Foi en l'égalité, informalité, tolérance. Alors que les Puritains pensaient que les Indiens étaient les cohortes du diable, les Quakers étaient frappés de voir à quel point la religion des Indiens ressemblait à la leur, et ils accueillaient les hommes de toutes sectes.

Enfin, troisième grande région des colonies anglaises d'Amérique, les colonies du Sud Virginie, les deux Carolines, la Georgie.

Là nous trouvons le type même de la colonisation anglaise. On n'y trouve ni dessein grandiose, ni tentation de faire d'une idée une règle de gouvernement, mais des colons campagnards bien décidés à y transplanter les institutions anglaises. Les Virginiens, entre autres, furent des réalisateurs et non des innovateurs, et ce sont leurs réalisations pratiques qui en firent des Américains. Avec le développement de l'esclavage pendant la première moitié du XVIII siècle, rendant l'exploitation des grandes plantations plus profitable, la Virginie devint une colonie aristocratique, d'où devaient être issus la plupart des hommes qui devaient écrire l'histoire des Etats-Unis : JEFFERSON, WASHINGTON, MONROE.

Jefferson

Tout au Sud de l'ensemble des treize colonies, la Georgie était la colonie la plus récente.

Ce n'est qu'en 1730 que cette colonie fut fondée par un général anglais : OGLETHORPE. Les colons anglais reconnaissaient que cette colonie est "la plus merveilleuse contrée de l'univers". Les bois se défrichaient aisément, et les oranges, citrons, pêches, poires et abricots y étaient succulents. En Georgie, la Charte Royale de la Colonie fut promulguée en 1732.

Voilà donc cette population des treize colonies, incontestablement douée de toutes les qualités de courage et d'énergie qui font les pionniers, mais singulièrement éprise d'idées de Liberté.

Venons-en maintenant, facteur très important, au chiffre de cette population au milieu du XVIII siècle. Si l'on prend la moyenne des estimations de divers historiens, on peut l'estimer entre 1 400 000 et 1 500 000 en 1750.

Quels sont les sentiments de ces colons américains vis-à-vis des Français ?

On peut affirmer, sans celer la vérité, que les Français représentent l'ennemi potentiel :

  1. Par leurs possessions au Canada, dans la vallée de l'Ohio et en Louisiane, les Français empêchent les colons américains de s'étendre vers l'Ouest.

  2. Pour ces protestants convaincus, les Français, comme les Espagnols, sont d'affreux papistes persécuteurs des protestants depuis près d'un siècle.

    Il est à noter d'autre part qu'existent dans les Carolines et en Georgie des réfugiés huguenots d'origine française venus en Amérique après la Révocation de l'Edit de Nantes. Ces Français sont aussi sévères contre leur nation d'origine que leurs collègues anglo-saxons.

    Il y avait donc nécessité pour les colons d'Amérique d'envisager un système de défense d'abord il y avait les Indiens. Ceux-ci ne faisaient pas une guerre classique : pas de batailles rangées, mais attaques par surprise, embuscades, et ensuite tortures et massacres.

    Ensuite il y avait les Français et les Espagnols. De telles menaces obligèrent des communautés entières à s'épauler et à s'entraider lorsque se présentait un danger. Le fort, conçu pour servir de demeure et de refuge pendant les raids indiens, finit par symboliser l'état de guerre permanent dans lequel vivait l'Amérique.

    Dès 1680, en Virginie, le droit de lever une milice fut-il reconnu aux autorités locales dans différentes parties de la colonie.

    La milice était née de la nécessité de défendre des fermes, des foyers, des villes, et non pour être un pion au service de quelque grande stratégie. Ces milices étaient armées par chaque colonie, et, théoriquement, ne pouvaient intervenir à l'extérieur des frontières de ladite colonie.

    L'antique crainte qu'inspirait aux Anglais une armée installée dans le pays se combinait avec une crainte plus récente des Américains, celle d'une armée levée dans le pays pour être dirigée vers de lointaines garnisons.

    En 1748, date à laquelle nous situons cette étude, le problème n'était pas résolu. Les gouverneurs des colonies étaient des fonctionnaires britanniques, représentant le gouvernement de Sa Majesté, mais en réalité ils étaient des fantoches, se procurant leur salaire en vendant la totalité des prérogatives royales, et, bien que disposant d'une armée composée de régiments permanents des forces britanniques, celle-ci était insuffisante pour faire appliquer dans les colonies les lois votées par le Parlement britannique.

      b) Les colonies françaises

    Face aux treize colonies s'appuyant sur la façade atlantique et représentant un ensemble relativement cohérent, se trouvait en 1748 l'immense Empire Français d'Amérique, s'étendant de l'Ile Royale au Nord, à l'entrée du Golfe du Saint-Laurent, jusqu'aux bouches du Mississipi sur le Golfe du Mexique.

    Cet Empire Français d'Amérique, ou Nouvelle-France, n'a pratiquement pas de lmte à l'Ouest. Très approximativement on peut le limiter aux Rocheuses.

    • Du Nord au Sud, il est possible de le diviser en quatre parties : 1'lle Royale et l'Ile Saint-Jean, avec le grand port-forteresse de Louisbourg ; le Canada, avec la Gaspésie (1) et la vallée du Saint-Laurent, jusqu'aux lacs Ontario et Erié -, la région de l'Ohio au centre ; enfin au Sud, la Louisiane avec le grand port de la Nouvelle Orléans.

    • L'Ile Royale et l'Ile Saint-Jean : comme nous l'avons dit plus haut, pendant la guerre de Succession d'Autriche, Louisbourg était tombée le 27 Juin 1745. Mais le traité d'Aix-laChapelle avait restitué cette place, avec 1'lle Royale et l'Ile Saint-Jean. Son importance stratégique était de premier ordre, commandant l'entrée du fleuve Saint-Laurent. D'autre part, sur le plan commercial, Louisbourg concurrençait les ports américains de Boston, de New-York, de Philadelphie, de Charleston.

      Une terre qui n'était plus française en 1748, mais qui doit retenir une attention particulière est l'Acadie, perdue au traité d'Utrecht en 1713, et que le traité d'Aix-la-Chapelle ne nous avait pas restituée. Baptisée Nouvelle-Ecosse par les Anglais qui y construisirent le port de Halifax, l'Acadie était toujours peuplée par 16 000 habitants de souche française, les Acadiens, qui refusaient de s'intégrer à l'Empire britannique. Pas plus au traité d'Aix-la-Chapelle qu'au traité d'Utrecht, les frontières n'avaient été clairement définies entre l'Angleterre et la France dans ces régions, et en Acadie orientale, appelée aujourd'hui le Nouveau-Brunswick, France et Angleterre s'en disputaient l'influence.

    • Le Canada : cette colonie était de beaucoup la plus ancienne, la plus peuplée et la mieux mise en valeur de toute la Nouvelle-France. Installés dans la vallée du Saint-Laurent depuis un siècle et demi, les Français n'avaient pas rêvé de n'y installer que des comptoirs de traite. Ils avaient travaillé à y implanter une population dans des établissements permanents en vue d'une mise en valeur des richesses de la mer, de la forêt, de la terre et du sous-sol.

    Pendant les quinze années qui suivent le traité d'Utrecht, la population canadienne va presque doubler. De 18 000 en 1713, elle atteint 55 000 en 1744 et 75 000 en 1754.

    Cette population est en grande partie agricole. Cependant, jusqu'en 1729, l'agriculture est stationnaire. Après l'arrivée de HOCQUART (1729), le développement s'intensifie. La zone cultivée s'étend et, à la faveur des nouveaux marchés extérieurs, la production monte.

    En 1712, on dénombrait 84 seigneuries. De 1714 à 1731, la métropole refuse d'en conceder de nouvelles jusqu'à ce que les terres déjà distribuées le long du Saint-Laurent soient entièrement défrichées. Entre Québec et Montréal et même au-delà, les concessions se font sur une deuxième ligne. De nouvelles régions s'ouvrent à la colonisation agricole : le HautRichelieu, les rives de l'Outaouais, le lac Champlain à partir de 1733 et, en 1736, la vallée de la Chaudière (Sud du Saint-Laurent, près de Québec).

    Les résultats sont les suivants : en 1739 (dernier chiffre connu avant 1748), 188 105 arpents (2) sont en culture, qui produisent 634 605 minots (3) de blé, et 254 360 minots d'autres céréales, pour une population de 42 700 habitants.

    Les prairies occupent une surface considérable. Elles servent à engraisser l'élevage, dont les produits triplent de 1713 à 1748. En 1739, le Canada produisait 38 821 bêtes à corne, plus de 5 000 chevaux, 26 260 moutons et 27 258 porcs.

    Si l'agriculture représente une part importante de la vie économique, c'est le commerce des fourrures qui représente la majorité du commerce. On peut même dire qu'il est à la base de la vie économique. Ce commerce a son centre autour des grands lacs avec lesquels communique le Mississipi, territoire qui ouvre la porte au trafic avec toutes les populations établies près du fleuve et de ses affluents.


    (1) Territoire situé au Sud du Saint-Laurent entre Québec et l'Océan.

    (2) L'arpent = 51 a = 1/2 ha.

    (3) Le minot est une mesure de capacité, alors que l'arpent est une mesure de surface. (Le minot de grain 39 1.).


    Le monopole de la vente des fourrures canadiennes appartient à la Compagnie d'Occident jusqu'en 1717, qui est remplacée par la Compagnie des Indes qui le détiendra jusqu'en 1760.

    Si l'on prend les chiffres officiels des exportations des pelleteries canadiennes en France, cela donne : années 1746 à 1750 : 6 021 438 livres, moyenne annuelle : 1 204 287 livres, soit environ 60 % du pourcentage des fourrures dans les exportations.

    La population canadienne est répartie ainsi : 75 % dans les campagnes et 25 % dans les villes. Si l'on prend les chiffres de 1750, sur une population de 55 000 habitants, 8 000 résident à Québec, la capitale administrative, 4 000 à Montréal, la capitale économique, et 800 à Trois-Rivières, soit environ 13 000 pour la population urbaine.

    La Nouvelle-France Centrale ou vallée de l'Ohio.

    Cette immense région revêt pour la Nouvelle-France une importance économique et stratégique considérable. En effet, elle est le lien entre les deux colonies de peuplement : le Canada et la Louisiane.

    Comme nous l'avons précisé plus haut, le commerce des fourrures, centré autour des Grands Lacs, a besoin de la route du Mississipi pour se développer, et des vastes régions de l'Ouest, riches en fourrures.

    D'autre part, on tente de promouvoir la colonisation agricole à la suite de la fondation de Fort-Détroit en 1701 par LAMOTTE-CADILLAC. On y voyait, selon les termes de BEAUHARNAIS (1) et de HOCQUART, le pivot de l'Amérique entre le Canada, la Louisiane et les vastes régions de l'Ouest.

    Au centre de la Nouvelle-France, si elle était pourvue d'hommes et de vivres, cette colonie pouvait maintenir la paix dans les pays d'en Haut et bloquer l'envahisseur Nordaméricain. Un autre colonisateur, la GALISSONNIERE, en projettera la mise en valeur avant 1750, par des moyens pratiques et peu coûteux, intégrant des fins d'économie et de défense.

    La population de cette immense région est naturellement très faible. En 1751, on évalue la population de la région de Fort-Détroit à 600 habitants, et celle du pays des Illinois à Près de 1 400. En conséquence, si l'on compte environ 3 000 habitants dans toute la région comprise entre le lac Erié et la Basse Louisiane, on ne doit pas être très loin de la vérité.

    En revanche, sur le plan stratégique, cette région a une importance considérable. C'est elle qui bloque vers l'Ouest l'expansion des colonies américaines, d'où l'importance de la jalonner par des forts solides.

    Vous avez sur la carte les noms des principaux forts de la région, en tenant compte, cependant, que le Fort-Duquesne, sur l'Ohio, ne fut construit et occupé qu'en 1754, et que le fort Le Boeuf et le fort Presqu'île ne seront construits qu'en 1753.

    La Louisiane

    Depuis près d'un siècle, soit dès le 9 avril 1682, les trois fleurs de lys flottent sur le delta du Mississipi, depuis que Cavelier de la Salle les y a plantées, neuf ans après que JOLIET et MARQUETTE les eussent arborées à l'embouchure de l'Arkansas.

    La Louisiane, colonie de peuplement mais au climat semi-tropical, est une colonie de grandes plantations (canne à sucre, coton) dont la population est constituée à base d'immigrants français, mais surtout de Canadiens. Le gouverneur en fut le marquis de Vaudreuil de 1742 à 1752. En 1752, Vaudreuil fut remplacé par KERLEREC (2).


    (1) Comte de BEAUHARNAIS de la branche ainée de cette famille, gouverneur de la Nouvelle-France au XVIII' siècle (Alexandre de BEAUHARNAIS, époux de Joséphine, était de la branche cadette).

    (2) Remarquable gouverneur.


    Le chiffre de sa population donne en 1746 environ 8 800 habitants, dont 4 000 blancs et 4 800 esclaves noirs.

    Contrairement aux colonies anglaises, qui sont très décentralisées (la véritable capitale de l'Amérique anglaise est Londres), la Nouvelle-France, malgré son immensité, sa diversité, ses difficultés de liaisons intérieures, a un gouvernement centralisé ; le siège de ce gouvernement est à Québec. Le gouverneur de la Nouvelle-France qui fut, pour la période qui nous intéresse, la Galissonnière (1747-1749), puis la Jonquière (1749-1752), Duquesne (1752-1755) et enfin Vaudreuil (1755-1760), est en même temps gouverneur du Canada. A Loulsbourg siège un gouverneur qui, théoriquement, dépend de Québec, mais qui, pratiquement, reçoit ses ordres de Versailles.

    A la Nouvelle-Orléans, nous l'avons vu, siège un gouverneur, également dépendant de Québec. Mais pour donner une idée de la lenteur des liaisons entre le Canada et la Louisiane, la capitulation de Québec (18 Septembre 1759) ne fut connue à la Nouvelle-Orléans qu'au bout d'un an, le 4 Août 1760.

    Revenons-en maintenant aux chiffres de population. Si 1 on additionne les chiffres déjà cités, l'Amérique française est peuplée environ, vers 1750, de 72 000 habitants, compte tenu de 2 600 personnes à 1'lle Royale et de 2 200 à l'Ile Saint-Jean.

    Si l'on reprend le chiffre moyen de 1 500 000, on ne se trompe pas beaucoup en concluant que l'Amérique britannique contient 20 fois plus de monde que son homologue française. C'est un rapport de forces dont il convient de se souvenir.

    Abordons maintenant le problème de la défense. Dès 1748-1749, la Nouvelle-France sait que la paix d'Aix-la-Chapelle n'est qu'une trêve. Elle est presque en guerre. Elle doit pourvoir a des opérations militaires et lever des milices. En 1750, rien qu'au Canada, près de 12 000 hommes poursuivent un entraînement pour suppléer au manque de troupes régulières.

    En 1749, toujours au Canada, on comptait à peine 600 soldats réguliers en état de servir. La garnison sera portée à 1 500 hommes après 1749. Aussi les habitants devront-il se charger de la défense de leurs propriétés.

    Enfin, pour défendre un Empire d'outremer aussi important et aussi menacé, il eut été indispensable de posséder une marine importante et efficace.

    Or, un tableau des nouvelles constructions faites en Septembre 1753 fait état pour la Marine du Roi de 55 vaisseaux, "dont deux ayant besoin de radoubs considérables".

    L'état ajoute : "Il ne reste plus que sept vaisseaux sur les chantiers, dont une partie sera finie en 1754, et le reste en 1755".

    A cette époque, il faudrait multiplier ce chiffre par trois pour avoir la situation de la marine anglaise.

    Les incidents entre Français et Anglo-Américains de 1749 à 1756.

    Après Aix-la-Chapelle, pas plus sur le front du Centre-Ouest que sur celui du lac Champlain, les colons d'Amérique n'ont obtenu satisfaction à leurs ambitions territoriales.

    Conscients de cette menace, qui persiste depuis plus de trente ans sur les frontières de la Nouvelle-France, les Français vont profiter de la trêve pour renforcer leurs postes de défense.

    Le gouverneur, la GALISSONNIERE, prit, dès 1749, des mesures d'urgence pour établir des centres de résistance con tre les pressions qui s'exerçaient sur les points de communication de la colonie. Son plan touche à l'Acadie, puis à la région des lacs, où la destruction du Fort-Oswego, et le renforcement des Forts Niagara et Détroit lui paraissaient de premiere nécessité. Il veut en outre que la France reprenne les territoires de la baie d'Hudson perdus au traité d'Utrecht. Enfin le gouverneur de Québec ordonnait au gouverneur VAUDREUIL de veiller à l'intégrité des frontières de la Louisiane.


    Fort Niagara

    Dans cette perspective, la GALISSONNIERE entend faire passer au Canada les habitants de l'Acadie, au nombre de 15 à 16 000 environ, afin d'affaiblir la Nouvelle-Ecosse. En 1749, on fait compléter la route vers l'Acadie. On construit les forts Beauséjour et Gaspareau qui lient les Acadiens de la péninsule aux Français.


    Fort Beauséjour

    Lord HALIFAX, à la tête du "Board of Trade", veut enrayer ce désastre. En 1749, un journal anglais parle de déporter les Acadiens. Mais, à l'époque, cette mesure est considérée comme impraticable. Il vaut mieux submerger les Acadiens sous un flot d'immigration et créer en "Nouvelle-Ecosse" un centre militaire administratif. Ce sera Halifax, qui fut fondée en 1749. Cette base navale permettrait de lutter contre Louisbourg. Entre 1750 et 1755, cette région de l'Atlantique sera témoin de nombreux incidents de frontière.

    La GALISSONNIERE aurait voulu mettre en oeuvre une politique de force et de prestige dans l'Ohio.

    En 1749, il envoie CELORON de BLAINVILLE (1) prendre possession de ce territoire au nom de la France, en prévenant les Anglo-Américains de ne pas y pénétrer sous peine d'être arrêtés, et de voir leurs marchandises saisies.

    Mais, pour défendre les possessions, il faut les entourer de postes fortifiés. En 1753, on construira les forts Presqu'île et Le Boeuf au Sud du lac Erié. C'est alors qu'en 1753-1754 commencèrent les premiers incidents de frontière sur l'Ohio.

    A la suite de plaintes de chefs indiens relatives aux empiètements des Français, le gouvernement de Virginie résolut d'envoyer "une personne de distinction" au Commandant des Forces Françaises de l'Ohio pour lui demander quels étaient ses motifs d'envahir ses possessions britanniques, alors que la paix subsistait encore.

    La personne de distinction choisie fut George WASHINGTON, alors âgé de 21 ans, qui entreprit en Novembre 1753, le voyage de Williamsburg jusqu'aux affluents du lac Erié. Après un voyage difficile au coeur de l'hiver, WASHINGTON s'avança jusqu'au poste français de Fort-Venango.

    Les Français refusèrent naturellement d'évacuer le Fort et la région et avouèrent leur dessein de prendre possession de l'Ohio.

    Georges Washington

    Après cet échec diplomatique, WASHINGTON continua son expédition jusqu'au Fort le Boeuf, qu'il trouva défendu par du canon. L'officier Commandant la place, Gardeur de Saint-Pierre, refusa de discuter des questions de droit et avoua son intention de s'emparer de tous les Anglais qu'il rencontrerait dans la vallée de l'Ohio.

    Après ce nouvel échec, Washington retourna en Virginie. mais au printemps de 1754, une nouvelle mission fut décidée par la Virginie et encore confiée à Washington, promu lieutenant-colonel. On lui confia un régiment de 150 hommes. Sa mission était de se rendre à la Fourche de l'Ohio pour achever le fort déjà commencé par la compagnie de l'Ohio.

    Avant que WASHINGTON ne put atteindre Will's Creek, les Français, conduits par CONTRECOEUR, arrivèrent de Venango et sommèrent les Anglo-Américains cantonnés à la Fourche de l'Ohio de se rendre. Ceux-ci, au nombre de 33, capitulèrent le 17 Avril et se rendirent. CONTRECCEUR occupa le poste et le nomma Fort-Duquesne. (C'est près de ce fort que se trouve aujourd'hui Pittsburg).

    WASHINGTON, renseigné par les Indiens, n'en continua pas moins sa mission. Le soir du 28 Mai 1754, à la tête de 40 hommes, il découvrit un nouveau campement de Français, à 60 miles environ au Sud de Fort-Duquesne. Les Anglo-Américains avaient le bénéfice de la surprise. Un engagement d'un quart d'heure environ s'ensuivit : 10 Français furent tués, et parmi eux JUMONVILLE, le gendre du marquis de VAUDREUIL, ancien gouverneur de la Louisiane ; 21 Français furent faits prisonniers.


    (1) Jean-Baptiste CELORON de BLAINVILLE, né à Montréal le 15 Septembre 1729, volontaire dans les troupes de Marine au Canada en 1747, cadet en 1748, puis lieutenant resté au Canada après la paix de 1763. Il servit d'abord la cause des Anglais aux Etats-Unis puis passa du côté des Américains.


    Sur l'emplacement du camp français, les Anglo-América'ns érigèrent le Fort-Necessity.

    Mais les Français ne pouvaient rester sur cet échec. Pendant que Washington attendait avec impatience des secours de Virginie, de Pennsylvanie et du Maryland, le nombre des Français ne faisait que croître. Le 1er Juillet 1754, Washington se vit obligé de se retrancher dans Fort-Necessity. Le 3 juillet, vers midi, 600 Français et une centaine d'indiens arrivèrent devant le Fort et en firent le siège.

    Après que trente Anglo-Américains aient été tués, et seulement trois Français, Monsieur de VILLIERS, le Commandant français, proposa à WASHINGTON de parlementer.

    Le 4 Juillet, la garnison américaine, emportant tous ses bagages, évacua le Fort-Necessity et se retira du bassin de l'Ohio. "Dans toute la vallée du Mississipi, et jusqu'aux sources de l'Ohio dans les Alleghanys, nul autre étendard ne flotta plus que celui de la France". (1).

    A partir du printemps 1754, bien qu'il n'y ait eu aucune déclaration officielle, il y a réellement un état de guerre de fait entre les colonies anglaises d'Amérique et les colonies françaises. La mort de JUMONVILLE fut considérée à Québec comme un assassinat. Le gouverneur général, Marquis DUQUESNE, demanda satisfaction au Commandant en chef britannique qui resta sans réponse.

    A la fin de 1754, la Grande-Bretagne envoya en Virginie un important contingent de troupes sous les ordre du Général BRADDOCK.

    BRADDOCK, qui voulut venger la perte du Fort-Necessity, réunit toutes les forces dont il disposait (1 500 hommes), et se mit en marche pour attaquer Fort-Duquesne.

    Le combat eut lieu le 9 Juillet 1755, et les Anglo-Américains furent complètement battus. 977 furent tués ou blessés. Braddock trouva la mort, et on trouva sur lui tous ses papiers, dont les instructions secrètes du gouvernement anglais, en particulier une dépêche compromettante du duc de Cumberland, et les plans de campagne contre Fort-Niagara et Saint-Frédéric (Crown-Point).


    Fort Saint-Fréderic

    VAUDREUIL (2), le successeur de DUQUESNE, envoya tout le paquet à Versailles. Pour le nouveau gouverneur, la politique américaine lui apparaissait sous un nouveau jour. Il saisissait une liaison étroite entre les agressions britanniques et les ordres de la "Cour d'Angleterre". Il en concluait que Washington avait commis "l'assassinat de JUMONVILLE" de l'aveu et du consentement des ministres anglais.

    La fin de 1755 voit se dérouler une atmosphère fiévreuse dans les deux camps. Après le désastre du Fort-Duquesne, les Anglo-Américains ont très peur. Le sous-gouverneur de la Pennsylvanie présenta à son Assemblée un rapport très pessimiste. En Virginie, DUNBAR se replie sur Fort-Cumberland en détruisant tout son matériel lourd. WASHINGTON rentre à Mount-Vernon.

    En revanche, la colonie de New-York envisage des expéditions contre Fort-Niagara et Fort Saint-Frédéric. La base de départ serait Fort-Oswego.

    VAUDREUIL est averti de ces projets par les Indiens. Il envisage donc une opération contre Oswego. Mais de nouveaux renseignements affluent : JOHNSON, le nouveau général anglais, se serait mis en route pour tomber sur Saint-Frédéric.

    Finalement, tout ceci se termine par un combat indécis entre les forts Edward et William-Henry. Le général français DIESKAU est blessé.

    Conséquence de ces diverses escarmouches, VAUDREUIL décide d'ériger un fort entre William-Henry et Saint-Frédéric : ce sera Fort-Carillon.


    Fort-Carillon


    (1)George BANCROFT : "Histoire des Etats-Unis depuis la découverte du continent américain".

    (2) Marquis Philippe de VAUDREUIL, gouverneur de la Nouvelle-France de 1755 à 1760, ancien gouverneur de la Louisiane.


    Les Américains pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763)

    L'Angleterre déclare la guerre à la France le 17 Mai 1756. Elle le fait pour riposter à l'invasion de Minorque, organisée, dit le gouvernement français, "en représaille des pirateries britanniques".

    En revanche, George II justifie sa décision par "la conduite inqualifiable des Français dans les Indes Occidentales et en Amérique du Nord depuis le traité d'Aix-la-Chapelle".

    En Amérique, les populeuses colonies anglaises se voient réduites à une pénible défensive, alors que les Français et leurs bandes indiennes les harcèlent sans répit. Dans le New-York, la Pennsylvanie, le Maryland, la Virginie, c'est la panique. Terrorisés eux-mêmes, les Indiens, naguère encore amis des Anglo-Américains, se détachent d'eux et vont grossir les rangs des alliés de la Nouvelle-France ; afin de prouver à celle-ci leur zèle et leur fidélité, ils vont perpétrer des massacres "dans tout le pays qui s'étend de la Caroline au New-York" (1).

    VAUDREUIL va profiter du désarroi qui s'est emparé des colonies britanniques pour faire sauter le verrou de Fort-Oswego, point essentiel de la défense de la colonie de New-York sur le lac Ontario.

    Le 19 Mai 1756, il confie à COULON de VILLIERS un corps de 600 hommes qui part de Montréal avec la mission de couper la communication de l'ennemi. VILLIERS se rend à la baie de Niaouré (2), et le 5 Juin y établit sa base d'opérations. Le 16, il est devant OSWEGO. VILLIERS réussit à intercepter sur la rivière Onondaga, le 3 Juillet, un convoi d'Anglo-Américains en provenance d'Albany.

    Le combat dura trois heures. Les pertes pour ces derniers furent de 500 tués et de 40 prisonniers. Les Français eurent sept officiers et quatre hommes prisonniers.

    Le 27 Juillet, VAUDREUIL arrive au camp de Villiers avec un renfort de 1 200 hommes et prend le commandement.

    MONTCALM, Maréchal de camp, nouvellement arrivé, est nommé Commandant en Chef au Canada. Parti de Montréal le 21 Juillet, il débarque à Fort-Frontenac le 29. Il n'est pas très favorable à l'idée de dégarnir l'artillerie de ce dernier fort pour marcher sur Oswego. Mais, convaincu par ses subordonnés, il obtempère. Après quatre jours de siège, le Commandant de Fort-Oswego capitule.

    L'Amérique britannique perd ainsi 1 500 à 1 600 hommes, dont 45 tués, les autres prisonniers. 55 canons, 14 mortiers, 5 obusiers et 47 pierriers tombent entre les mains des Franco-Canadiens.

    Battues, les colonies britanniques l'ont été en 1756. "La campagne qui s'achève", proclame Montcalm, est "la plus brillante qu'il y ait jamais eu dans ce continent". Cependant, à la différence du Canada, l'Amérique anglaise peut se faire battre, et ceci durant des années, sans être écrasée.

    La force massive de ses gros peuplements ne lui épargne pas tous les échecs et toutes les souffrances. Mais elle la sauve de la défaite. Oswego tombe, les frontières brûlent, mais, dans les grandes villes provinciales, la vie continue.

    Si la guerre dure, et elle va durer, elle ne peut que tourner à l'avantage des colonies américaines en raison du rapport de forces, surtout si l'Angleterre leur apporte un concours, et elle va le faire.


    (1) New-York Gazette.

    (2) Sur le lac Ontario.


    Cependant, la grosse partie va se jouer au Canada où, plus que jamais, s'accuse une dualité qui oppose VAUDREUIL à MONTCALM. Dès 1756, au lendemain de la brillante victoire d'Oswego, une rivalité a percé entre les partisans du gouverneur et ceux du Général en chef. Vaudreuil en est venu à accuser Montcalm de compromettre la défense de la colonie en sous-estimant le patriotisme et la valeur des troupes canadiennes. Il affirme même que l'attitude de Montcalm constitue un danger pour la fidélité des Canadiens envers la mère-patrie. De son côté, le Général, tout en prétendant reconnaître la valeur des Canadiens, opine que cette bravoure ne peut suffire à tout, qu'il faut l'appuyer en campagne "de la solidité des troupes réglées".

    Tous les deux avaient peut-être raison, mais chacun avait peut-être trop raison.

    Pendant ce temps, que faisait la Métropole ?

    En 1757, elle fit un effort important sur le plan naval. Le Ministre de la Marine donna l'ordre à M. du BOIS de LA MOTTE, Lieutenant Général, de conduire une escadre de dix-huit vaisseaux, cinq frégates, deux corvettes et une flûte à destination de l'Ile Royale.

    A cette escadre s'ajoutaient treize navires chargés de vivres.

    Parti de Brest le 3 Mai 1757, la MOTTE arriva sans encombre à Louisbourg le 19 Juin.

    A Louisbourg, bien qu'il y eût sur place un gouverneur, le chevalier de DRUCOURT, Capitaine de vaisseau, la MOTTE accomplit un travail considérable de fortifications dans toute l'Ile Royale. La bonne exécution de sa mission lui valut en 1758 le grade de Vice-Amiral. Mais il avait dû ramener en France les trois quarts de son escadre, soit une douzaine de vaisseaux.

    Du côté anglais, le Vice-Amiral Francis HOLBURNE avait reçu la mission de faire la descente et le siège de Loulsbourg. Il disposait d'une escadre de vingt-trois vaisseaux, cinq frégates, deux brûlots et deux galiotes à bombes.

    HOLBURNE essaya bien en 1757 d'enlever Louisbourg, mais son escadre fut dispersée par la tempête. Il y perdit deux vaisseaux et une frégate.

    Mais les Anglais étaient décidés à mettre le prix pour enlever Louisbourg.

    Le 1er Juin 1758, l'amiral BOSCAWEN apparaissait devant la place forte avec une flotte de 151 bâtiments, dont vingt-trois vaisseaux et dix-huit frégates transportant 12 500 hommes repartis en douze régiments de 1 000 hommes chacun, dont trois régiments de montagnards d'Ecosse, 560 canonniers du Royal Artillerie, vingt-quatre pièces de canon et quatre mortiers.

    En réserve, en Acadie, les Anglais disposaient de quatre régiments, venus de Nouvelle-Angleterre : trois régiments anglais de 1 000 hommes et le Régiment Royal Américain de 2 000 hommes, soit au total 5 000 hommes.

    Enfin, en plus de ces effectifs, les Anglais avaient envoyé en Nouvelle-Ecosse trois régiments à 1 000 hommes d'Ecossais, et encore 1 000 hommes du Régiment Royal Américain.

    A Louisbourg, le chevalier de DRUCOURT avait sous ses ordres un peu moins de 3 000 hommes de troupes régulières, et 5 à 600 miliciens et Indiens. Aux vingt-trois vaisseaux de Boscawen, la France n'avait à opposer qu'une division comprenant cinq vaisseaux, dont trois armés en flûte, et deux frégates, commandée par le Capitaine de Vaisseau Marquis DESGOUTTES.

    Le rapport des forces faisait que Louisbourg n'avait aucune chance d'échapper à la capitulation qui fut effective le 27 Juillet 1758 entre BOSCAWEN et DRUCOURT. La garnison de Louisbourg fut faite prisonnière et emmenée en Angleterre.

    La chute de Loulsbourg devait amener la chute du Canada et, par là-même, de la Nouvelle-France toute entière.

    En 1758, William PITT vient d'arriver au pouvoir en Angleterre. Devant le fait que la supériorité en effectifs des colonies anglaises n'avait pas réussi à vaincre la Nouvelle-France, il envoie en Amérique un renfort important de réguliers.

    50 000 hommes sont lancés contre la Nouvelle-France : 9 500 réguliers et 20 000 provinciaux américains contre Montréal , 6 000 contre Fort-Duquesne ; le reste, on l'a vu, contre l'Ile Royale.

    Quelles forces peut opposer la Nouvelle-France ? 6 000 à 7 000 en 1758 ? Même si l'on ajoute les miliciens, c'est bien peu pour défendre l'empire français.

    Au printemps de 1759, les Anglo-Américains peuvent lancer 9 000 hommes contre Québec, appuyes par la flotte anglaise, 11 000 sur le lac Champlain, 7 200 sur l'Ohio, 2 000 sur Fort-Niagara.

    En Juin 1759, les Anglo-Américains attaquent Fort-Niagara qui capitule. Ils obligent les Français à évacuer Fort-Carillon et Fort-Saint-Frédéric, qui se retirent sur le lac Champlain.

    A Québec, la ville subit un siège pendant tout l'été. Malgré le sacrifice de MONTCALM, elle capitule le 18 Septembre 1759.


    Siège de Québec

    A l'automne 1759, il ne reste plus de la Nouvelle-France du nord que Montréal, la vallée de Richelieu et le lac Ontlario. Elle a perdu ses avant-postes de l'est, les postes des lacs Huron, Michigan et Supérieur sont coupés du Canada, ainsi que de la Louisiane, à la suite des victoires anglo-américaines sur le lac Ontario, sur le lac Erié et dans la vallée de l'Ohio.

    Petite consolation : en Louisiane, grâce à l'habileté du gouverneur KERLEREC, les Louisianais, aidés des Cherokis et des Alibamas, avaient tenu en échec les Chicahas et les Chactas, amis des Anglais, et inquiété les Caroliniens et les Virginiens au point de leur enlever toute l'idée d'offensive sérieuse. En Septembre 1760, les Cherokis ont même pris et rasé le Fort-London, fait 150 prisonniers, massacré 50 autres et récupéré douze pièces de canon, deux mortiers et deux pierriers.

    Mais, au Canada, VAUDREUIL capitule à Montréal le 8 Septembre 1760. C'en est fait de la Nouvelle-France.

    Le traité de Paris, le 10 Février 1763, devait céder à l'Angleterre tout le Canada et la rive gauche du Mississipi. En remerciement de l'alliance espagnole de 1761 (Pacte de famille), la France cédait à l'Espagne la Louisiane à titre de pourboire. C'en était fait de la France en Amérique.