Les relations Franco-Américaines de 1789 à 1969
La France et les Etats-Unis sous la IV République (1946-1958) La Ve République, née le 1er Janvier 1947, était caractérisée par un exécutif faible et instable, paralysé par le Parlement, et pourtant cette République sut entraîner peu à peu la France dans le camp américain. En 1947, TRUMAN met fin aux concessions accordées aux Soviétiques et inaugure la politique du "Containment", à savoir de la résistance et de la réaction aux prétentions de l'U.R.S.S. C'était la fin de l'alliance de la guerre et le début de la guerre froide et du plan Marshall, toutes choses qui recueillaient la sympathie de la plupart des Français qui s'accommodaient mal de la place prise par le parti communiste au lendemain de la guerre. En 1947, les ministres communistes sont évincés du gouvernement , Georges BIDAULT, ministre des affaires étrangères, abandonne progressivement la politique de balance entre l'Est et l'Ouest pour se rallier de plus en plus aux thèses américaines. Robert SCHUMAN, qui lui succède en Juillet 1948, était encore plus attiré que lui par l'idée d'une alliance avec les Etats-Unis, et c'est ainsi que la France et les Etats-Unis sont, avec dix autres pays, les fondateurs du "Pacte de l'Atlantique", le 4 Avril 1949. Bien que ce texte n'accorde pas aux Européens une garantie automatique, il constitue pour eux un gage de sécurité, et l'espoir de ne pas être exposés sans défense à une éventuelle attaque soviétique. La France se lance dans une politique nouvelle d'unification de l'Europe en même temps qu'elle cède à ses traditions en s'efforçant de s'opposer à l'effritement de son empire colonial. Or, les Américains cherchent à intervenir plus ou moins directement dans ces deux domaines. Cela se voit, se sent, et bien sûr nous indigne. De plus, le Pacte Atlantique étoffe ses structures en Décembre 1950 par la création de l'OTAN et du SHAPE, quartier général américain qui s'installent tous deux, l'un à Paris (Porte Dauphine), l'autre à Rocquencourt. Un élément positif dans les relations franco-américaines a été la nomination par le Général de GAULLE de Jean MONNET à la tête du "Plan d'expansion économique". A partir de 1948, l'équipement industriel de la France se fait en liaison avec le plan Marshall, or l'équipe de MONNET entretient d'excellents rapports avec les Américains qui considèrent que ses efforts en faveur de l'intégration européenne endiguent le communisme et renforcent le Pacte Atlantique. En 1950, le "plan Schuman", qui prévoit la création d'une autorité européenne supra nationale pour la production et la vente du charbon et de l'acier (CECA), va dans le même sens. C'est l'origine de "l'Europe des Six" que l'Angleterre boude. Les Américains prennent conscience du fait que la défaite de Juin 1940 n'a pas tué chez les Français le génie créateur que manifestent des hommes comme Robert SCHUMAN et Jean MONNET. Les Américains appuient un projet de "Communauté Européenne de Défense" (CED), inspiré à PLEVEN par MONNET et qui est adopté le 27 Mai 1952 dans un traité de Paris. Il s'agit de créer une armée européenne intégrée. Le gouvernement américain désire tellement que ce projet aboutisse qu'il fit pression sur le gouvernement français pour proposer le traité à la ratification du Parlement. Or l'opinion française était très divisée sur ce point (1). En 1954, lorsque MENDES-FRANCE le proposa au Parlement, le traité fut rejeté.
(1) Même le Maréchal JUIN à l'époque y était très opposé.
En revanche, les Américains se réconcilient avec nous lorsque, en 1955, MONNET présente aux "Six" ses projets de "Marché Commun" et d"'Euratom". La guerre de Corée (1950-1953) fut une occasion de plus pour les Américains et les Français de combattre côte à côte. Cela débuta par l'attaque dirigée le 25 Juin 1950 de la Corée du Nord communiste contre la Corée du Sud. La riposte de TRUMAN fut aussi rapide qu'habile. Profitant du fait que les Soviétiques se trouvaient à ce moment même absents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, et dans l'incapacité d'y exercer leur veto, il fit aussitôt condamner par cet organisme l'agression communiste et organiser par les Nations Unies une résistance internationale par les armes. Les troupes américaines stationnées au Japon débarquèrent en Corée sous les ordre du Général MAC-ARTHUR, et entreprirent de contenir, puis de refouler les envahisseurs. Un bataillon français, dit "bataillon de l'O.N.U.", fut constitué, formé de volontaires, sous les ordres du Général MAGRIN-VERNERET dit MONCLAR, et partit pour la Corée où il devait s'illustrer. Quant à l'Indochine, bien que les Américains soient tout à fait favorables à la décolonisation, ils se rendent compte malgré tout que la France dans ce pays lointain lutte contre l'expansion du communisme en Extrême-Orient. Aussi contribuèrent-ils largement au financement du Corps Expéditionnaire Français, et se tinrent prêts à intervenir militairement, notamment en 1954 pour soulager DIEN-BIEN-PHU. Mais les conditions politiques ne le permettaient pas. La chute de Dien-Bien-Phu (7 Mai 1954) devait amener au pouvoir MENDES-FRANCE et la conclusion des accords de Genève (Juillet 1954). On octroie au Viet-Minh le Tonkin et le Nord-Annam jusqu'au 16' parallèle. Six ans plus tard, en 1961, les Etats-Unis devaient prendre le relais de la France au Viet-Nam. Cependant, à partir de la Conférence des pays sous-développés à Bandoeng en 1955, les Américains deviennent de plus en plus intransigeants en matière de décolonisation. Les rapports franco-américains subirent une crise grave lorsque, à la suite de la nationalisation du Canal de Suez par NASSER en Juillet 1956, la France, l'Angleterre et Israël attaquèrent l'Egypte ; leurs troupes ne s'arrêtèrent aux portes du Caire que sous la menace de l'U.R.S.S., et dans une moindre mesure des Etats-Unis (Octobre 1956). En Algérie, où la France est engagée dans une nouvelle guerre subversive depuis le 1er Novembre 1954, les Américains tentent d'offrir leurs "bons offices" après le bombardement par l'aviation française de Sakiet-Sidi-Youssef, localité frontalière tunisienne d'où partaient des raids et des tirs contre l'aviation et les troupes françaises (Mars 1958). Cette nouvelle intervention américaine, jointe au massacre de prisonniers français par le F.L.N., suscite une rébellion des Français d'Algérie contre Paris. Ce fut le 13 Mai 1958. La France et les Etats-Unis sous la Ve République (1958-1969) C'est alors que le Général de GAULLE revient au pouvoir en 1958, d'abord en tant que dernier Président du Conseil de la IV République, puis comme premier Président de la V. C'est à tort que certains ont assimilé le nouveau régime français au régime présidentiel américain : la France reste centralisée, le gouvernement reste responsable devant l'Assemblée Nationale. A priori, le retour du Général de GAULLE aux affaires n'est guère du goût des Américains. Pourtant tout commence bien. Ceux-ci sont enchantés de l'indépendance accordée à l'Algérie (1962) et aux autres territoires d'Afrique (1960). Les réformes économiques françaises de 1958, la nécessité de l'Alliance atlantique proclamée par de GAULLE, l'antipathie qu'il éprouve et déclare en ce qui concerne le communisme, ses vues philosophiques à l'échelle du Monde, tout cela rend de GAULLE extrêmement populaire aux Etats-Unis. Pourtant, les choses se gâtent assez vite. Les Américains tiennent à conserver le monopole de l'atome, or la France est résolue à s'en doter et réussit à le faire seule. En Septembre 1958, de GAULLE propose au Président EISENHOWER de substituer au leadership américain à l'OTAN un directoire à trois : U.S.A., Grande-Bretagne et France (1). Ce projet fut refusé. Elu en 1961, KENNEDY admire de GAULLE, mais, dès 1962, la tempête éclate alors que KENNEDY dévoile son "grand dessein". Il offre "un partnership Atlantique mutuellement profitable entre le nouvelle Union qui émerge en Europe et la vieille Union américaine fondée il y a 175 ans..." C'était la doctrine dite des "deux piliers". En réalité, le fonctionnement était prévu de telle sorte que l'Amérique conservait l'exclusivité de l'atome. De GAULLE refuse, car, pour lui, Washington proclamait la nécessité d'une hégémonie américaine. KENNEDY riposta en s'annexant l'Angleterre de Mac-Millan à la conférence qu'il eut avec lui à Nassau (2) du 18 au 21 Décembre 1962 : la Grande-Bretagne devenait un "satellite des Etats-Unis". De GAULLE montre sa rancoeur. Il s'abstient en particulier de participer aux cérémonies qui marquèrent le 20 Anniversaire du débarquement en Normandie (1964). Il reprend l'offenive contre le défi américain : il exige le départ de France des organisations militaires dirigées par les Américains : OTAN (1966), tout en affirmant sa fidélité au Pacte Atlantique. Son voyage en U.R.S.S., en Juin 1966, inquiète Washington. Son discours de Pnom Penh du 1er Septembre 1966, très sévère à l'égard de l'ingérence américaine au Viet-Nam, déclenche la fureur outre-Atlantique. Son voyage au Canada et le "Vive le Québec libre" suscitent l'étonnement de Washington. De plus, de GAULLE souligne durement l'attitude des Américains qui exportent leur inflation dans le Monde où ils exercent leur influence monétaire, ce qui accélère l'érosion inquiétante de leurs ressources d'or. Ils exigent donc le remboursement en métal précieux d'une grande partie de nos réserves en devises papier. Bien que de GAULLE refusât l'hégémonie américaine, il n'était pas pour autant antiaméricain, surtout lorsque l'intérêt général était en jeu. Ainsi, lors de l'ultimatum américain au sujet des missiles entreposés à CUBA, la France fut la première à dire au Président KENNEDY que, si l'incident s'envenimait, la France et ses forces seraient aux côtés des Etats-Unis. Les événements de Mai 1968 inquiétèrent Washington qui se demanda ce qui se passerait si, à la faveur de cette rébellion, la France basculait dans le camp communiste. Washington fut soulagé lorsque le calme fut revenu, et c'est très sincèrement que le Président JOHNSON adressa à de GAULLE ses félicitations. A partir de là, et jusqu'à ce qu'il quitte le pouvoir le 4 Avril 1969, jamais plus le Général de GAULLE n'attaqua les Etats-Unis. L'un de ses derniers actes politiques fut même de maintenir la France dans l'Alliance Atlantique.
(1) Ayant compétence pour le Monde Entier. (2) Aux Iles Bahamas. |